Le coureur Réjean Moreau termine troisième au Yukon Artic Ultra

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Par Daniel Hart
Le coureur Réjean Moreau termine troisième au Yukon Artic Ultra

Épreuve de 515 km réalisée en solitaire

Il lui aura fallu sept journées et demie pour atteindre la ligne d’arrivée. Courir à pied 515 km dans des conditions très exigeantes relève d’un défi quasi surhumain.

Il a su le relever avec brio puisqu’il a terminé troisième à cette épreuve hors du commun. Sur la dizaine de participants inscrits dans cette catégorie au Yukon Artic Ultra, seulement quatre se sont rendus jusqu’à la fin du parcours. Réjean Moreau se sent particulièrement heureux d’avoir accompli cette course même s’il revient amaigri de 20 livres.

 

Après avoir poussé ses capacités physiques et psychologiques à leur summum, alors qu’il se mesurait pour la première fois à une épreuve de plus de 165 km, notre coureur n’aurait pas cru se sentir en aussi bonne forme après avoir réalisé cet exploit. Son enthousiasme communicatif en fait foi. Courir d’un pas alerte dans des conditions de grand froid en transportant un traîneau pesant une quarantaine de livres requiert une grande dose de courage et de bonnes réserves d’énergie.

Tout au long du parcours le doute l’a habité. Serait-il en mesure de se rendre jusqu’au bout? « C’est entre les deux oreilles que se font les deux tiers du parcours. J’ai peine à imaginer que j’ai pu trouver à certains moments l’énergie qu’il fallait pour continuer », relate-t-il. Malgré les bâtons dans les roues, il n’a jamais perdu de vue son objectif. L’humidité ambiante omniprésente, la neige molle et collante, les conditions climatiques ont pourtant passé près de le faire changer d’idée et de l’amener à rebrousser chemin. À certains moments, il s’est même remis en question.

Précisons qu’après les 160 premiers kilomètres, six coureurs ont abandonné pour diverses raisons. Trop de conditions difficiles ont fini par les convaincre. Certains ont eu des malaises physiques : maux de dos, ampoules au pied par exemple. Lorsque le temps a été plus doux, comme à -2 °C, le climat a affecté la nature. « Traverser un lac enneigé de cinq kilomètres devient une épreuve. Pour faire trois pas, c’est compliqué; un pas, on passe à travers la neige, le traîneau colle à la surface, là où il y a de l’eau, le pied passe sous la glace à l’occasion. C’est excessivement difficile sur le plan psychologique », ajoute M. Moreau.

Les éléments jouent aussi un rôle déterminant. « Dans un col de montagne, une brise peut surgir de nulle part et avec l’humidité accumulée, le vent transporte le froid assez rapidement; ça devient très difficile à gérer. Ce type de situation peut miner beaucoup le moral des coureurs ayant abandonné », avance le participant de 58 ans au 515 km.

Qu’est-ce qui l’a incité à aller jusqu’au bout? Pour lui, il s’agit de la course la plus importante qu’il ait eu à faire dans sa vie. Des marathons, il en a couru à de nombreuses reprises. L’an dernier, ce fut le 160 km au Yukon Artic Ultra. Cette fois, il s’est fixé une obligation de résultat envers lui-même et tous ceux auprès desquels il s’était engagé, en particulier la Fondation Source Bleue, une cause qui lui tient à cœur. Pendant la dernière année, il s’est imposé bon nombre de sacrifices en vue de cette course : entraînements successifs, privations, rigueur et discipline. « On ne peut pas tout foutre ça en l’air parce qu’on se sent un peu fatigué rendu là. On se sent plus fort que ça; ça vient nourrir nos ambitions et nous pousse à continuer », explique-t-il.

À mi-parcours, alors qu’il était exténué, M. Moreau s’est emmitouflé dans son sac de couchage pour récupérer et dormir quelques heures. Au réveil, il a repris contact avec la nature –  face à un vaste lac enneigé et la vue de montagnes à l’horizon – s’est réattaché à son traîneau et est reparti le cœur joyeux, ressourcé, prêt à se rendre au prochain point de contrôle et à poursuivre la course. L’énergie était revenue. Face à lui-même, puisque cette course se fait en solitaire, il se sentait motivé. Son seul compagnon à ce moment-là fut un corbeau qui croassait, sans doute pour lui indiquer à sa façon de ne pas lâcher.

À son retour au Québec, ses proches et ses collègues de travail lui ont réservé un accueil chaleureux. Le retour au bercail s’est fait en douceur. Compte-t-il se réinscrire à ce long parcours? Après un moment de réflexion, notre coureur croit qu’il aura plutôt le goût de se mesurer à une autre épreuve ailleurs dans le monde. Par ailleurs, les sommes recueillies pour la Fondation Source Bleue en marge de sa participation au Yukon Artic Ultra seront dévoilées plus tard puisqu’elles ne sont pas encore comptabilisées.

 

 

 

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