À la suite du recensement du gouvernement fédéral effectué en 2016, le ministère de l’Éducation et de l’Enseignement supérieur du Québec a publié au début du mois de novembre la mise à jour de la liste des écoles primaires situées en milieux défavorisés.
Le document indique que certaines écoles bénéficieront d’une aide financière additionnelle en raison de la dégradation de la situation socio-économique de leur milieu, mais il est à noter que d’autres perdront le financement auquel elles avaient droit depuis 2006. Cette situation inquiète tout particulièrement le Syndicat de Champlain qui regroupe notamment des membres du domaine de l’éducation et du personnel enseignant de la Commission scolaire des Patriotes.
« La récente mise à jour de la liste des écoles primaires situées en milieux défavorisés confirme l’absurdité du mode d’attribution de cette subvention. Le calcul actuel ne tient pas compte des besoins réels des élèves qui proviennent de milieux défavorisés, alors que ce devait être l’objectif premier de ce financement additionnel », martèle Éric Gingras, président du Syndicat de Champlain.
« Nous avons entendu les déclarations du ministre (NDLR : Jean-François Roberge, le vendredi 30 novembre dernier) à l’effet qu’il entend changer les règles pour ne pas couper le financement des écoles, mais nous attendons des actions concrètes sur le terrain, parce qu’il y a de grandes inquiétudes dans les milieux. »
Déshabiller Pierre pour habiller Paul
« Le problème vient du fait qu’il s’agit toujours de la même tarte qu’on redécoupe et qu’on attribue différemment, fait valoir M. Gingras. Si le rang décile de certaines écoles s’améliore, c’est principalement dû au fait que d’autres milieux se sont appauvris. Mais les élèves issus de familles considérées comme défavorisées sont toujours là, ils ne disparaissent pas avec la perte de la cote de défavorisation de leur école ! »
« On déshabille Pierre pour habiller Paul. Parce que, dans les faits, pour la plupart des écoles qui voient leur rang passer, par exemple, de 9 à 7, ou encore de 10 à 8, les besoins demeurent. Mais les services additionnels ne seront plus possibles parce que leur financement sera coupé pour être donné à d’autres écoles. Dans la perspective globale d’améliorer la réussite éducative de tous les élèves, c’est complètement contreproductif! »
Le président du syndicat a rappelé à ce sujet que le classement par rang décile des établissements d’enseignement primaire est basé sur l’indice de milieu socio-économique (IMSE), en fonction des données recueillies sur les familles avec enfants du Recensement canadien, dont les dernières données remontaient à 2006.
C’est ainsi que les écoles classées aux rangs 9 et 10 sont considérées comme étant dans les milieux socio-économiques les plus défavorisés du Québec et elles bénéficient à ce titre d’une aide financière supplémentaire. M. Gingras précise à ce sujet que ces sommes permettent de diminuer les ratios dans les classes et d’offrir plus de services d’appui et de soutien aux élèves.
Le président souligne que la mise à jour de la liste ministérielle aura des impacts importants dans certaines villes puisqu’il existe des poches de pauvreté dans plusieurs secteurs de la Rive-Sud et ce, en dépit de la gentrification, c’est-à-dire un phénomène par lequel des personnes plus aisées s’approprient un espace initialement occupé par des habitants ou usagers moins favorisés.
Un million de moins à Saint-Amable
Il cite notamment le cas à Saint-Amable, où il estime que les écoles primaires perdront une somme globale estimée à près d’un million de dollars par année s’il n’y a pas de mesures transitoires mises de l’avant, des pertes qui seront normalement effectives dès l’an prochain.
« Il est vrai qu’il s’agit d’un secteur en plein développement avec la construction de nouveaux quartiers et l’arrivée de nombreuses familles. Mais cette gentrification ne fait pas disparaître pour autant la pauvreté qui existe dans le milieu, ni les besoins de ces élèves. Pourtant, le gouvernement agit comme si c’était le cas! », déplore Éric Gingras.
À l’inverse, il donne l’exemple de trois écoles qui se retrouvent maintenant dans les deux derniers déciles à la Commission scolaire Marie-Victorin, alors que « le jeu de chaises musicales » affectera au total cinq écoles à la Commission scolaire de la Vallée-des-Tisserands.
« Et ce n’est pas une mauvaise chose pour eux, bien au contraire! Ces écoles pourront offrir les services additionnels que réclame le personnel qui y travaille depuis longtemps. Par contre, pourquoi cela devrait se faire au détriment d’autres enfants dont les besoins sont tout aussi importants ? Faut-il grossir la tarte ? Revoir le mode d’attribution de cette subvention? Accorder minimalement des mesures transitoires de financement pour les milieux qui perdront les services? Nous attendons avec hâte les actions du ministre », conclut le président du syndicat.