Il se promène dans les champs, sur les bords de routes et les terrains vacants, derrière les commerces et les industries à la recherche d’œufs de papillons monarques. Roger Giraldeau doit faire vite, avant que les tondeuses ne passent et coupent les asclépiades, car c’est sur les feuilles de cette plante indigène que les papillons pondent. En ramassant les œufs, il sauve des centaines de monarques qui autrement n’auraient jamais pu déployer leurs ailes.
Ce Bouchervillois à la retraite s’est donné une mission : sauver les papillons monarques. Il fait leur élevage chez lui. Il fait partie de la poignée de bénévoles patrouilleurs de papillons pour la Fondation David Suzuki.
L’an dernier, 234 monarques sont nés après avoir séjourné durant 35 jours dans ses incubateurs. Cette année, M. Giraldeau prévoit qu’environ 150 papillons pourront voler de leurs propres ailes grâce à cette chasse aux œufs.
Depuis le mois de mai, il a mis près de 200 heures à se pencher dans les champs, au soleil, à examiner les plantes l’une après les autres pour voir s’il n’y aurait pas un œuf. À 74 ans, «l’effort vaut son pesant d’or».
«Mais c’est quoi l’idée de faucher les terrains avant le 15 octobre ? Ils vont tous les tuer : les œufs, chenilles, chrysalides! L’idée, c’est de laisser la nature aller. C’est plus facile, que moi qui cueille les œufs», fait savoir M. Giraldeau.
Déjà cet été, 60 papillons sont nés chez lui.
«Lorsqu’ils naissent dans la pouponnière, j’attends environ une heure avant qu’ils déploient leurs ailes. Je présente mon doigt et ils montent dessus. Je les transporte dans ma haie de cèdres où ils passent près de quatre heures à faire sécher leurs ailes. Puis ils s’envolent dans la nature», explique M. Giraldeau.
Conserver les asclépiades
Pour sauver les papillons monarques dont les populations sont en déclin, il faut aussi protéger les asclépiades.
Cette plante, longtemps considérée comme une mauvaise herbe, est essentielle à leur survie.
«Les larves des monarques ne peuvent se nourrir que sur les asclépiades. Il faut convaincre les citoyens à les tolérer et même à cultiver cette plante dont les fleurs en juillet sentent le lilas», avance M. Giraldeau.
Cette année, il a réussi à convaincre les autorités des Promenades Saint-Bruno à ne pas faucher leur terrain grâce également à l’intervention de la Ville de Saint-Bruno-de-Montarville.
Depuis dix ans, il a offert 12 000 plans d’asclépiades, qu’il cultive chez lui, à des clubs de golf, dont le club de la Vallée du Richelieu, à Sainte-Julie.
«C’était mon projet lorsque j’ai commencé à m’impliquer à titre de bénévole au sein de la Fondation David Suzuki : fournir des asclépiades à des clubs de golf, pour créer des habitats qui favorisent la reproduction des papillons monarques.»
«J’ai des semences, et je les parts dans mon garage. J’ai offert cette année environ 1 400 plants aux clubs golf Montebello, et Beaconsfield, ainsi qu’à la Ville de Piedmont. Mais il y a des années où j’en ai donné 6 000.»
Un peu comme un missionnaire
D’où vient cette passion pour les papillons?, lui a demandé La Relève .
«Je suis végan, et je suis inquiet pour futur de la planète, répond-il. Souvent, les gens se demandent qu’est-ce qu’on peut faire? Moi je peux intervenir à ce niveau. Je me sens un peu missionnaire.»
«À une personne qui me demandait à quoi ça sert un papillon ? Je lui réponds: ‘’ imagine un extraterrestre qui arrive sur la Terre et demande à quoi on sert ? Nous, les humains, on détruit. Maintenant le papillon, lui, pollinise les plantes, les arbres fruitiers. Il est important pour la biodiversité de la planète. Et c’est l’un des papillons les plus majestueux à l’échelle mondiale», signale M. Giraldeau.
L’urbanisation et donc la disparition des milieux naturels, le recours aux pesticides et les feux de forêts sont responsables du déclin des populations de papillons monarques, selon l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN).
«Saviez-vous, par exemple, que les monarques qui naissent en août au Québec voyagent à 9 000 pieds d’altitude durant deux mois pour se rendre au Mexique? Qu’ils ne reviendront pas. Que le papillon qui va du Sud au Nord ne vit que 5 semaines, et qu’il faut de 4 à 5 générations pour faire le cycle complet (soit pour revenir au Québec», précise le banquier à la retraite, dont les données proviennent de la Fondation David Suzuki.