La sculpture. Le dispositif : l’exposition qui déroute et pose beaucoup de questions

Par Ali Dostie
La sculpture. Le dispositif : l’exposition qui déroute et pose beaucoup de questions
Annie Conceicao-Rivet (Photo : Photo : La Relève - Ali Dostie)

Avec son exposition La sculpture. Le dispositif, Annie Conceicao-Rivet convie le public à une expérience inhabituelle et déroutante, qui questionne la mise en espace muséale. L’artiste visuelle longueuilloise explore notamment la tension entre l’objet d’art et son dispositif puis convoque l’atelier dans la galerie, portant une réflexion sur le statut de l’œuvre. Ici, «le projet, c’est l’exposition. C’est une proposition artistique en soi.»

En franchissant la porte de la salle d’exposition de la Maison de la culture Marcel-Robidas à Longueuil, l’œil ne semble pas trop savoir où se diriger. Et c’est voulu.

Une structure rappelant l’atelier de l’artiste – Anne Conceicao-Rivet y a littéralement installé l’escalier de quelques marches qui mène à son atelier – occupe tout un coin de la pièce, bloquant le court corridor menant d’ordinaire à la deuxième salle d’exposition.

L’artiste a fréquenté à de multiples reprises la salle, pour voir les réflexes de circulation et ainsi mieux perturber les perceptions.

«Je déplace le point focal. Le corridor est souvent un lieu de passage, où on ne se pose pas. J’exploite l’espace de communication dans une logique de parcours», relève Mme Conceicao-Rivet.

Cette fois, les visiteurs peuvent se retrouver au centre de la structure autoportante. «J’invite le spectateur à jouer le jeu, en s’approchant , en faisant partie de l’œuvre», signifie-t-elle.

En y regardant de plus près, ils y voient notamment l’œuvre Barbeau de lumière sur image bucolique : une photographie présentée à plat, surplombée d’un néon lumineux tout en spirale difforme; c’est ledit barbeau.

«C’est un peu comme si elle a été sabotée par des crayons correcteurs, explique-t-elle. On se demande si l’œuvre est finie, si elle est brisée. L’œil doit combattre pour voir derrière.»

Dans cette installation sculpturale d’atelier, les visiteurs y voient notamment des prototypes, des tests, des matières brutes ou en cours de transformation.

Des croquis servant à un plan de travail, dans son réel atelier, se sont retrouvés gondolés par l’humidité. L’exposition les montre tel quel. Des cahiers de croquis deviennent œuvres à leur tour.

«Je voulais réduire l’écart entre l’atelier et la galerie : amener les qualités physiques de l’atelier, dans l’exposition», soutient celle qui détient une maîtrise en arts visuels et médiation.

Enseignante en arts visuels au Cégep Édouard-Montpetit, Annie Conceicao-Rivet crée depuis quelques années déjà et se questionne sur son empreinte écologique, en tant qu’artiste.

«Suis-je une productrice de déchets?, se demande-t-elle, de façon imagée. J’accumule les œuvres, ça devient un casse-tête de tout conserver, alors je me dis : comment tout ça peut être réintroduit dans mon travail? Je change l’angle.»

Dispositif ou œuvre ?

L’exposition pose aussi une réflexion sur le dispositif, soit le support qui accueille l’œuvre et la met en valeur, ainsi que sur son rôle et la place qui lui est accordée.

En voyant un immense prisme vide fait de minces bâtons, il est tentant de croire qu’il s’agit d’une œuvre sculpturale. C’est pourtant un dispositif qu’a construit Mme Conceicao-Rivet pour présenter son œuvre : un minuscule morceau de ruban adhésif, immobilisé dans une forme étrange, et collé sur un coin du prisme.

«Ça me servait de bouchon pour un gun à cocking!, révèle-t-elle. Mais je trouvais ça joli! Si j’avais voulu le faire, je n’aurais probablement pas pu. Ça amène donc à se poser des questions sur la valorisation de l’objet par le dispositif.»

Et le statut même de l’œuvre : l’objet devient-il œuvre à l’instant où il est exposé sur un dispositif, ou l’est-il avant ?

L’exposition est présentée jusqu’au 22 décembre.

 

 

Ombres à plat

Jusqu’au 22 décembre est aussi présentée l’exposition L’évaporation d’un objet laisse son ombre à plat, de Véronique Lépine. Privilégiant le verre soufflée, l’artiste s’attarde beaucoup au transfert d’une technique à l’autre, de sorte que ses œuvres qui semblent à priori simples recèlent plusieurs couches de travail.

À l’instar de la proposition d’Anne Conceicao-Rivet, l’œuvre de Véronique déborde aussi du corps. Au travers des pièces de verre soufflé disposé près du sol, une section d’une moulure est peinte en jaune, mettant de l’avant un côté ludique.

 

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