Transport de matières dangereuses : des craintes encore vives

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Par Diane Lapointe
Transport de matières dangereuses : des craintes encore vives
Selon les données de 2020, les matières dangereuses représentent 14 % du trafic ferroviaire total dans la région, mais leur proportion pourrait augmenter dans les prochaines années, lorsque le port de Contrecoeur sera en activité. (Photo : gracieuseté)

Le déraillement d’un train survenu la semaine dernière dans la gare de triage du CN dans le secteur de Lemoyne, à Longueuil, remet en lumière les préoccupations liées au transport ferroviaire des matières dangereuses, un enjeu qui était déjà sensible depuis la tragédie du Lac-Mégantic, il y a 11 ans.

Le porte-parole de Sécurité Ferroviaire Rive-Sud (SFRS), François Beaulne, souligne que cet accident met en relief des défis majeurs sur la Rive-Sud, notamment sur le tronçon du CN qui traverse Boucherville, Varennes, et Verchères jusqu’à Contrecœur.

Ce corridor qui passe dans des zones densément habitées est régulièrement emprunté par des convois transportant des matières dangereuses, posant des risques pour les résidents, soutient M.Beaulne.

Le dernier rapport produit par le CN et qui remonte à 2020 fourni à SFRS indique que les matières dangereuses représentent 14% du trafic total de marchandises.

Il s’agit notamment de Liquide transporté à chaud, inflammable (23%); d’acide sulfurique (16%) : de liquide corrosif N.S.A (14%); de chlore (8%); d’acétate de vinyle stabilisé (6%); de liquide transporté à chaud N.S.A (5%); de dioxyde de carbone liquide réfrigéré (5%); de liquide inorganique corrosif, acide N.S.A (5%); de méthanol (5%); de matières dangereuses du point de vue de l’environnement, liquide, N.S.A ; et autres 11%. Dans le dernier cas, M. Beaulne croit qu’il inclut le pétrole brut, un liquide très inflammable.

À noter que l’acronyme N.S.A, c’est-à-dire Non Spécifié Ailleurs, signifie que la substance ne rentre pas dans une classification plus précise et que la concentration n’est pas spécifiée.

L’impact du port de Montréal à Contrecœur
Selon l’étude de préfaisabilité sur le déplacement de la voie ferrée réalisée en 2021, une moyenne de trois à quatre trains (pouvant aller jusqu’à sept) circulent sur la voie ferrée chaque jour à une vitesse maximale de 48,3 km/h à l’intérieur de Boucherville. D’un à deux trains de plus pourraient s’ajouter lorsque le port de Contrecoeur sera en activité, toujours selon le SFRS.
L’ouverture du terminal portuaire de Contrecœur en principe en 2026 intensifie les inquiétudes car il est prévu le transport de 1,5 million de conteneurs par année sur cette même voie ferrée avec des convois pouvant atteindre jusqu’à cent wagons, précise M. Beaulne.

Le volume de matières dangereuses qui seront transportées pourrait être supérieur entre 50% et 75% par rapport à celui de 2010, selon l’étude de préfaisabilité.

Outre cet aspect, le trafic risque de provoquer des interruptions de circulation routière prolongées, coupant certaines villes en deux pendant 8 à 10 minutes par passage de train, craint M. Beaulne.

À Boucherville, où le tronçon traverse un vaste quartier résidentiel sur plus de 5,5 km, et où se trouvent à proximité des écoles, la situation est particulièrement préoccupante. «Un incendie ou une urgence pourrait devenir catastrophique si la ville est divisée», avertit François Baulne.

Le déplacement de la voie ferrée
Rappelons que selon l’étude de préfaisabilité commandée en 2021, et dont la Ville de Boucherville a assumé une grande partie des coûts, le déplacement de la voie ferrée en dehors des périmètres urbains, est considéré comme une solution viable.

Cette étude a identifié cinq tracés potentiels, principalement le long de l’autoroute 30.

Le député Xavier Barsalou-Duval, vice-président du Comité permanent des transports, de l’infrastructure et des collectivités, a recommandé la mise en place d’un fonds permettant de financer des études de faisabilité pour le réaménagement et la relocalisation de voies ferrées traversant des milieux urbains

Cependant, le gouvernement du Canada a refusé de s’engager financièrement dans cette démarche. Dans sa réponse, le gouvernement indique qu’il prend acte de la recommandation. «Transports Canada encourage les collectivités à collaborer avec les compagnies de chemin de fer pour déterminer la viabilité de projets visant à relocaliser les voies ferrées qui traversent des milieux urbains et à renforcer la sécurité ferroviaire.»

La Ville de Boucherville n’a pas les ressources financières nécessaires pour financer seule une telle étude, dont les coûts sont évalués à près de 2 M$, selon François Beaulne.

Par ailleurs, le député Barsalou-Duval a demandé au Comité des transports du Canada d’inviter le Canadien National (CN) à témoigner sur les circonstances du récent déraillement survenu à Longueuil qui a entraîné le déversement de peroxyde d’hydrogène.

Selon le député Barsalou-Duval, il est essentiel de «rester alerte dans le dossier du déplacement de la voie ferrée».

Mentionnons que ce dossier date des années 1990 et qu’il a été relancé lors de la tragédie de Lac-Mégantic.

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