Le directeur général de l’Orchestre philarmonique du Québec (OPQ) Jean-Marc Léveillé a précipité son départ en juillet, «compte tenu de l’environnement qu’il y avait» au sein de l’organisation. Il fait état de «divergences entre la direction générale et la direction artistique, Alexandre Da Costa, qui semblaient irréconciliables».
Ces désaccords ne se manifestaient pas dans les choix artistiques de l’Orchestre, mais plutôt dans le volet administratif.
«Il y avait divergence de points de vue sur le rôle de la direction générale, sur le respect contractuel, sur le respect des échéanciers, avance M. Léveillé, qui a quitté l’OPQ le 3 juin. Quand les délais ne sont pas respectés, il y a des conséquences importantes et des impacts financiers. Et c’est le DG qui est responsable.»
«Le directeur général est responsable de tout, insiste-t-il. Si le directeur artistique n’est pas d’accord, qu’il ne veut pas collaborer, c’est là qu’on se retrouve dans un cul de sac.»
En septembre dernier, M. Léveillé avait annoncé au conseil d’administration vouloir terminer son mandat au terme de l’année fiscale en cours, soit jusqu’en juillet. Mais au début avril, il a signifié son intérêt de partir plus tôt.
Les divergences entre M. Léveillé et celui qui occupe les rôles de chef d’orchestre et directeur artistique ne touchaient aucunement la récente orientation de l’ensemble musical, assure l’ancien directeur général. L’ensemble a délaissé le nom de l’Orchestre symphonique de Longueuil pour devenir l’Orchestre philarmonique du Québec; un changement assorti d’une tangente vers des œuvres plus populaires et grand public.
Une source proche de l’OPQ, qui témoigne de manière anonyme par peur de représailles, va plus loin et évoque un «climat toxique majeur à l’Orchestre, à 100% créé par Alexandre Da Costa».
«C’est un comportement toxique de vedette, du chantage, de l’intimidation. C’est de la violence verbale. Il est très difficile», évoque-t-il, avançant que ces comportements se manifestent même auprès de partenaires et de fournisseurs externes.
«Si M. Léveillé est parti, c’est pour des raisons majeures. Il a soulevé des points importants d’un point de vue éthique, financier, de loyauté. Il a dénoncé tout ça au CA, et certains membres se sont retournés contre lui», avance même cette source.
«Différences de vue»
Le président de l’OPQ Jean-Jacques Rainville réfute les allégations de climat toxique.
Il fait plutôt état de différences de vue sur le mandat de l’orchestre entre le domaine artistique et celui des finances. «Nous ne sommes pas l’Orchestre symphonique de Montréal et il faut y aller selon nos moyens», estime-t-il.
«Avec un Grand Orchestre de 52 membres, ajoute-t-il, nous perdons toujours, à chaque année, entre 10% et 15% de nos musiciens qui décident, pour toutes sortes de raisons, d’aller ailleurs ou de passer à autre chose.»
Pour M. Rainville, l’augmentation du nombre de concerts à l’horaire, qui implique une augmentation du nombre de pratiques, jumelée aux programmations destinées aux jeunes et aux aînés, a également forcé la main de musiciens qui avaient des engagements ailleurs.
En 2023, le changement de nom de l’Orchestre a été un choix judicieux, selon M. Rainville, lui permettant de se produire partout.
«Nous avons fait salle comble récemment à Saint-Jean-sur-Richelieu.»
Mais ça ne suffit pas pour faire des profits. «Il nous faudrait au minimum une salle de 1000 places. Il n’y en a pas en Montérégie», indique M. Rainville.
Le président indique qu’il reste plus de 300 000 $ dans les coffres de la Fondation. «Depuis quelques années, la Fondation a aidé à combler les déficits dû à la pandémie.»
Le nom de la nouvelle directrice générale sera dévoilée dans les prochains jours.
Médiation et négociation
Jean-Marc Léveillé n’établit pas de lien entre son départ et celui de 18 des 40 musiciens, survenus entre l’arrivée de M. Da Costa en janvier 2019 et 2022.
Dans un article du Devoir paru en mars 2023, des musiciens ont remis en doute ses choix artistiques et même ses compétences. Un médiateur avait été nommé par le ministère du Travail afin de dénouer l’impasse.
L’ancien directeur général explique que certains départs n’étaient pas liés à un désaccord avec le chef Da Costa, mais constituaient des départs à la retraite. «Certains étaient d’accord avec le changement, d’autres moins», nuance-t-il.
En juin 2023, un Plan de réussite avait été signé entre la direction de l’orchestre et la Guilde des musiciens du Québec.
«Il y avait des éléments incompris de part et d’autre. Et la pandémie n’avait pas aidé, le lien de communication n’était pas autant là, relate M. Léveillé, qui a œuvré au sein de l’Orchestre pendant 14 ans. La médiation a permis de rétablir ce lien.»
Ces échanges ont mis la table pour les négociations, alors que la convention collective des musiciens arrivera à terme. Des offres de la Guilde ont d’ailleurs été déposées le 21 juin.
Outre les 52 postes de musiciens, l’OPQ compte cinq personnes permanentes à l’administration et des centaines de bénévoles.