Louise Latraverse avait toujours rêvé d’un one-woman-show. Elle «n’en avait jamais eu le courage», dit celle qui semble pourtant n’avoir jamais eu froid aux yeux. Depuis sa première en mai, l’actrice réalise ce rêve de belle manière, heureuse de se raconter – elle a une vie loin d’être plate – et d’aller à la rencontre du public.
«Je me sens comme chez moi sur scène. Je n’ai pas le trac, c’est un dialogue que j’ai beaucoup avec la salle, je suis très, très contente. Les gens sont tellement gentils, accueillants, les gens sont fins», raconte-t-elle.
Dans son livre Louise Latraverse sorti en début d’année, où elle partage courts moments de vie et réflexions au travers de ses dessins et de nombreuses photographies, elle glisse néanmoins quelques mots sur le trac. «Entrer sur scène, c’est comme la fosse aux lions», écrit-elle.
Alors, envolé, avec le temps? «Oui, oui, ça s’est estompé. J’ai 20 ans de psychanalyse, alors ça calme certaines choses! répond-elle. On se connait davantage, on peut gérer les émotions beaucoup mieux.»
«Je me suis dit : c’est now or never, comme ils disent, alors vas-y, fais-le. Et là, ça s’est fait très simplement, très facilement.»
-Louise Latraverse, à propos de son spectacle L’amour crisse
Tellement à l’aise qu’elle ne se laisse pas décontenancer par un spectateur de la première rangée qui a le malheur de s’endormir. C’est arrivé, une fois.
«Vous comprenez que je ne l’ai pas lâché : ç’a tellement faite rire le monde! Je lui ai dit : Peut-être j’suis pas ton genre, mais il faut que tu restes avec moi! Y’a rien que je ne lui ai pas dit! rigole-t-elle. C’était une bonne personne qui avait de l’humour, et j’en ai profité : ç’a été mon cobaye de la soirée!»
Dans son spectacle L’amour crisse, Louise Latraverse raconte notamment plusieurs de ses rencontres avec de grands artistes d’ici et d’ailleurs, de Bob Dylan à Félix Leclerc, relate tant ses années de vie à New York où elle a rencontré l’écrivain Emmett Grogan, qu’elle a épousé, que le spectacle Les Girls qu’elle avait créé avec Clémence Desrochers, Chantal Renaud, Paule Bayard et Diane Dufresne.
On sent le sourire dans la voix lorsqu’elle évoque l’effervescence de la révolution culturelle des années 1960 et 1970.
«Une révolution, ça arrive une fois par siècle, pas deux fois. C’est une chance inouïe d’avoir fait partie de ce mouvement. Et j’en ai beaucoup fait partie car j’ai voyagé beaucoup : à Londres, New York, Paris. J’ai connu Mai 68, j’allais à la Comédie française avec Francoise Sagan. C’était pas banal, avec du monde tellement fin et tellement drôle. Je n’ai que des bons souvenirs. C’était des années merveilleuses, vraiment!»
Vie d’artiste et de liberté
Au-delà de ces rencontres, Louise Latraverse sait qu’elle peut rejoindre le public avec son récit.
«Je raconte comment s’est passé ma vie, j’essaie de rire de moi un peu, les gens rient de moi un peu aussi, alors on rit ensemble! Et avec tout ce que ça comporte d’une vie… Au fond, on est tous pareils. Je dis toujours : les circonstances sont différentes, mais les émotions et sentiments sont les mêmes.»
La vie d’artiste est aussi bien loin du glamour que certains peuvent imaginer. C’est surtout une vie de travail, souligne la femme de 84 ans.
«Ça prend du courage pour faire une carrière. Bâtir une vie dans l’insécurité, ne jamais savoir si on gagne sa vie d’un mois à l’autre. Et c’est un défi constant, de se renouveler. Je dessine, j’écris, je fais toutes sortes de choses et c’est [Paul] Buissonneau qui disait ça : mettez plusieurs cordes à votre arc.»
Le conseil colle bien à celle qui, au cours de sa vie, a dirigé le Théâtre de Quat’sous, a travaillé tant avec Marcel Dubé que Gilles Latulipe, a fait partie de la distribution du film Les ordres (Michel Brault), a animé et livré des chroniques à la radio… entre autres.
«Et ça me convenait, cette multidisciplinarité : d’abord, c’est moins plate, et j’ai fini par me débrouiller toute ma vie!»
Une approche qui n’est pas étrangère à la quête de liberté, si chère à l’artiste.
«J’avais le goût de choisir ma vie, de faire ce que je voulais. Ça prenait des risques, mais c’est ça qui m’intéressait, rester une femme libre. Et maintenant, quand je fais un show solo, c’est ma liberté aussi. C’est un grand privilège, qui se travaille et se choisit.»
Le spectacle L’amour crisse est présenté à la salle Jean-Louis Millette du Théâtre de la Ville, les 9 et 10 novembre.
Louise Latraverse, en cinq citations
Sur les sacres
«C’est formidable, la chance qu’on a d’avoir de si beaux jurons! C’est charmant, ce sont de beaux ornements sacerdotaux. J’en sors quelques-uns [dans le spectacle] et les gens finissent se calmer le pompon là-dessus. C’est mieux que «Fuck you»…! C’tu assez épouvantablement laid! On est plus sophistiqués que ça!»
Sur la nostalgie
«Je ne suis pas quelqu’un de nostalgique. Je vis le moment présent. Aujourd’hui, j’essaie d’avoir la meilleure journée que je peux avoir et c’est tout. C’est une philosophie que j’ai depuis très longtemps et qui rend ma vie plus agréable. Même si je me faisais du «moron», comme disent les Français, on ne sait pas ce qui va arriver.»
Sur les critiques
«Je n’ai pas eu de mauvaises critiques pour le spectacle, mais quand il y en a, je mets ça de côté. C’est le point de vue d’une personne. Ils ont droit de ne pas m’aimer, comme moi j’ai le droit de ne pas les lire! C’est Yvette Brind’Amour qui disait ça : les mauvaises critiques, je ne les lis pas. Quelle bonne idée!»
Sur le plus beau des pays
«La nature, en ce moment, on est-tu assez gâtés! Le plus beau pays du monde, c’t’ici! J’aime profiter de tout ça. Quand tu fais la tournée et que tu te promènes… Je suis allée à Mont-Laurier, my god, c’était beau!»
Sur la mort
«J’ai pas peur de la mort : depuis que je suis au monde qu’on me dit que je vais mourir, que ça va arriver. J’aimerais réussir ma mort, que le dernier moment de ma vie soit un beau moment. J’espère être bien entourée, et qu’on puisse rire un peu de moi.»