À la suite d’une autorisation d’action collective en mai dernier contre la congrégation religieuse les Frères de l’instruction chrétienne (FIC) pour des agressions sexuelles commises depuis 1940, le demandeur M.J. a déposé une demande introductive d’instance (DII), dans laquelle il accuse la Congrégation d’avoir été informée d’abus commis par certains frères, mais d’avoir choisi de les protéger en les déplaçant, plutôt que de soutenir les victimes. Il cite entre autres 29 cas de victimes dans plus de 20 établissements au Québec, notamment au Collège Jean de La Mennais à La Prairie et à l’école Paul-de-Maricourt à Longueuil.
Dans plusieurs cas exposés, les agressions sexuelles ont été dénoncées à des frères directeurs, ce qui a parfois entraîné le déplacement du frère agresseur. D’autres agressions ont été commises par des frères occupant le poste de directeur.
Collège Jean de La Mennais
Le témoin D est né en 1941. Il a été victime d’agressions sexuelles par le frère Lambert vers 1952 au Collège Jean de La Mennais où il est pensionnaire. Au Collège, le nom de D est sur une liste des élèves qui mouillent leur lit.
Le frère Lambert est un frère enseignant du Collège et surveille occasionnellement le dortoir. À quelques reprises, il réveille D la nuit afin de vérifier, lui dit-il, s’il n’a pas mouillé son lit et en profite pour mettre sa main sous les couvertures et lui caresser le pénis jusqu’à ce qu’il éjacule. Le frère Lambert lui chuchote ensuite à l’oreille d’aller se laver à la salle de bain. D est confus et a peur. Le même scénario se répète entre trois et quatre fois durant l’année 1952 jusqu’à ce que le frère Lambert disparaisse du Collège.
Un jour de la même année, D se fait dire par le directeur du Collège d’aller voir le frère provincial dans son bureau. Le frère provincial dit à D qu’il sait qu’il lui est arrivé «des choses», mais «qu’il faut aller de l’avant et continuer à prier». D comprend par la suite que le frère Lambert avait été déplacé du Collège.
D ne parle pas des agressions sexuelles à ses parents, notamment car il a honte et qu’il ne veut pas faire de la peine à sa mère qui est très religieuse.
Dans le dortoir
Toujours au Collège Jean La Mennais, un autre garçon a été victime d’agression sexuelle. Le témoin E est né en 1949. Les agressions sexuelles se sont produites entre 1962 et 1963.
Dans les douches ouvertes, au moins un frère surveille en profite souvent pour s’approcher des jeunes pour observer leurs parties génitales. E se sent comme un objet de convoitise par le frère. Il est mal à l’aise et se cache les parties génitales.
Une nuit dans le dortoir, le jeune garçon est réveillé par des attouchements sur ses parties génitales, de la part d’un frère qu’il ne peut identifier. De plus, le lit de E est situé à côté de la chambre du frère surveillant du dortoir et E voit parfois la nuit un frère – pas toujours le même – qui vient chercher un enfant pour le ramener dans sa chambre.
Un jour, E et un de ses amis quittent durant une récréation pour aller voir des filles. Ils reviennent en retard et E est envoyé au bureau du frère préfet de discipline. Dans le bureau, le frère préfet et E sont seuls. Le frère préfet fait asseoir E sur son genou et le sermonne tout en lui pelotant les fesses.
E est sidéré et repousse le frère préfet qui le renvoie immédiatement dans sa classe. Quelques semaines plus tard, un frère enseignant dit à E de préparer ses effets personnels, car il doit quitter l’établissement sous prétexte qu’il n’a plus la vocation pour devenir religieux.
École Paul-de-Maricourt (Longueuil)
Une autre sinistre histoire concerne F. Le garçon, né en 1953, a été victime d’agressions sexuelles répétées par le frère Pierre Racine à l’école Paul-de-Maricourt à Longueuil, entre les années 1962 et 1965.
Durant l’été, F joue à plusieurs reprises dans la cour de l’école avec des amis. À une occasion, le frère Racine sort de l’école et demande à F de le suivre. Il amène F dans une classe et prétextant que ses pantalons sont mal arrangés, lui fait baisser ses pantalons et ses sous-vêtements. Le frère Racine fait alors une fellation à F qui «fige et ne comprend pas ce qui arrive».
À la rentrée scolaire, F est dans la classe de son agresseur. À plusieurs occasions, le frère Racine oblige F à rester après l’école, sous prétexte de lui faire finir ses devoirs. À ces occasions, le religieux en profite pour faire des attouchements à F notamment en lui flattant le pénis par-dessus les vêtements.
Effrayé, F ne veut pas dénoncer, car il craint de se faire chicaner. De plus, le frère Racine lui dit de ne pas parler des gestes qu’il fait, sinon il allait devoir changer d’école et ça lui causerait des problèmes.
Au cours de l’année scolaire, le frère Racine a mis en place une classe vide avec des animaux. F doit y aller parfois les samedis pour les nourrir. Lors d’une des visites, le frère Racine l’a couché sur une table et lui a fait une fellation. Encore une fois, F a figé, ne sachant pas comment réagir.
De plus, le frère Racine emmène parfois F et d’autres élèves de l’école à la piscine de l’Institut Louis-Braille à Longueuil et les regarde se déshabiller. Au total, le frère Racine agresse sexuellement F une dizaine de fois entre 1962 et 1965 environ, soit quand F était en troisième ou quatrième année du primaire.
La dernière agression sexuelle a lieu lors de la projection d’un film où le frère Racine met sa main dans les sous-vêtements de F pour jouer avec son pénis. D’autres élèves assistent à l’agression sexuelle et parlent de l’évènement à leurs parents, qui eux-mêmes en parlent à la mère de F qui prévient les policiers. À la suite de cette plainte, le frère Racine a été déplacé mais F est devenu le souffre-douleur du frère directeur de l’école qui le traite publiquement de menteur.
Séquelles importantes
Dans sa requête, le cabinet Arsenault Dufresne Wee Avocats de Montréal fait valoir qu’une agression sexuelle commise par un adulte en position d’autorité, entraîne nécessairement des séquelles importantes dont certaines manifestations sont communes et/ou fréquentes à la plupart des victimes.
Chacun des membres du groupe a rapporté avoir notamment été affecté par une ou plusieurs des séquelles suivantes : anxiété, cauchemars, sentiment dépressif, culpabilité, colère, baisse de l’estime de soi, difficultés de sommeil, dysfonction sexuelle, consommation d’alcool, de drogue ou autre et idées suicidaires, pour n’en nommer que quelques-unes.
Selon le cabinet d’avocats, les membres du groupe ont le droit d’être indemnisés pour leurs dommages non pécuniaires découlant des agressions sexuelles subies aux mains des religieux FIC. Le cabinet ajoute que plusieurs membres du Groupe ont dû suivre des thérapies, ou devront en suivre dans le futur, afin de les aider à vivre avec leurs traumatismes.
Plusieurs membres du groupe ont également rapporté que les agressions sexuelles subies aux mains des religieux FIC avaient eu un impact important sur leur capacité de faire des études et d’obtenir ou de maintenir un emploi stable et bien rémunéré.
Pour ces motifs, le cabinet demande au Tribunal d’accueillir l’action collective, de condamner la Congrégation à verser une somme de 450 000 $ à titre de dommages non pécuniaires en plus de verser au demandeur et à chacun des membres du groupe une somme à être déterminée à titre de dommages pécuniaires pour un montant total de 10 M$.
À ce jour, plus de 87 victimes ont contacté le cabinet d’avocats pour s’inscrire à l’action collective. Toutes les victimes peuvent s’inscrire gratuitement et en toute confidentialité à cette action collective en contactant le cabinet d’avocats par courriel: actioncollective@adwavocats.com ou au 514 527-8903.